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Les Ambassadeurs du Consulat et de l'Empire

 

 

Sous l’Ancien Régime, les ambassadeurs du Roi près des souverains étrangers étaient issus de la noblesse, parfois même de la haute noblesse, tandis que les employés administratifs du ministère des Affaires étrangères, les commis, constituaient une classe de la bourgeoisie se transmettant souvent leur fonction de père en fils. Mais la cloison entre les deux sous-ensembles était étanche.

La Révolution vint perturber ce système (comme beaucoup d’autres). Si certains aristocrates continuèrent à servir dans le corps diplomatique, la carrière s’ouvrit également aux commis et à des personnes de la société civile, choisies au cas par cas. De plus, des officiers généraux, souvent peu au fait des usages, furent chargés de missions diplomatiques dans les pays conquis ou vaincus, ce qui fit une réputation d’arrogance aux ambassadeurs de la République. Prenant la suite, le Consulat et l’Empire mirent en place un corps de diplomates de provenances diverses et le plus souvent de haute tenue, même si certains furent nommés dans le but de les éloigner de Paris

 

Dans son Dictionnaire des diplomates de Napoléon, Jacques Henri-Robert ne recense pas moins de 177 diplomates enregistrés au ministère des Affaires étrangères sous les ordres des ministres que le professeur Jean Tulard nous a présentés, du simple chargé d’une mission unique et temporaire au ministre plénipotentiaire. Il ne saurait donc être question dans une courte communication d’en dresser un tableau complet mais plutôt d’identifier et si possible catégoriser ces hommes qui, durant le régime consulaire puis impérial, ont représenté Napoléon 1er dans les postes diplomatiques dont Thierry Lentz a  dressé la carte.

 

Dès pluviose an VIII, le Premier Consul promulgua un arrêté fixant les grades des diplomates, les règles de nomination et établissant un régime d’alternance entre les services à l’extérieur et ceux à l’intérieur. Il fut complété sous l’Empire par le décret du 27 mars 1806, rédigé à partir d’un rapport du conseiller d’Etat d’Hauterive, garde des archives des Relations extérieures et rédacteur de nombreux traités, dont Madame Isabelle Richefort présente le portrait ici même. Le décret prévoyait que les postes de secrétaire d’ambassade et de légation vacants seraient dorénavant attribués à des conseillers d’Etat en service extraordinaire. Il en  résulta une assimilation des grades entre la fonction diplomatique et celles d’auditeur et de conseiller d’Etat.

 

Nous avons donc sélectionné une quarantaine de noms de personnes, tous des hommes bien sûr, qui de 1800 à 1814 ont occupé les postes diplomatiques les plus importants, s’y succédant parfois à cadence élevée comme on peut le constater sur l’annexe ci-jointe. Il est ainsi possible de donner une image de la constitution de ce corps de ministres plénipotentiaires et d’ambassadeurs en les classant en trois catégories :

. les militaires de formation, souvent utiles lorsqu’il s’agissait de mettre en œuvre une diplomatie musclée.

. les aristocrates ralliés au nouveau régime, généralement plus au fait des usages par tradition familiale.

. les agents diplomatiques de profession, ou diplomates de métier, ayant souvent commencé leur carrière avant ou pendant la Révolution et ayant franchi les étapes intermédiaires – chargés d’affaires, secrétaires de légation, conseiller – car, de tout temps, si les pouvoirs passent, l’administration demeure.

 

Si certains n’occupèrent guère qu’un poste durant une période assez longue pour y laisser leur marque, d’autres se succédèrent dans les postes les plus importants. Le survol de leurs biographies illustre la représentation diplomatique de la France sous le régime napoléonien.

Les militaires

 

Commençons par les futurs maréchaux. Lannes, ministre plénipotentiaire à Lisbonne de 1802 à 1804, s’y comporta de façon si cavalière (ce qui ne nous étonne guère) que Napoléon dut le rappeler et le remplacer par le général Junot qui n’y resta que six mois. Au moins Junot avait-il annoncé, étonné de recevoir cette fonction, « qu’il n’y ferait que des bêtises Â».  Il y reviendra à la tête d’une armée d’occupation et, vaincu, négociera assez adroitement la Convention de Cintra. Républicain dont le Premier Consul se méfiait, Brune fut ambassadeur à Constantinople en 1803 et 1804, tandis que Macdonald, ministre plénipotentiaire au Danemark de 1801 et rappelé en 1803, tomba en disgrâce en raison de son opposition à la proclamation de l’Empire, ce qui ne l’empêcha pas de devenir maréchal et duc de Tarente en 1809. Victor fut plénipotentiaire à Copenhague de 1805 à août 1806. Après ces intermèdes, tous reprirent des fonctions militaires.

 

Mais certains diplomates d’origine militaire eurent des postes très  importants et jouèrent un rôle politique. Nous citerons Savary, Clarke, Sébastiani, Andréossy et Beurnonville.

 

SI les brefs passages de Savary à Saint-Pétersbourg après Tilsit pour négocier un rapprochement entre la Russie et la Turquie, puis à Madrid pour inciter la famille royale à se rendre à Bayonne s’apparentent plus à des missions ponctuelles qu’à une ambassade, Clarke, déjà chargé de missions diplomatiques sous le Directoire, fut plénipotentiaire à Florence de 1801 à 1804 avant de devenir gouverneur de Vienne, puis de Berlin  et enfin ministre de la  Guerre. Une belle carrière qui se poursuivra sous la Restauration.

 

Le Corse Sébastiani, chargé de missions à Constantinople, en Egypte et en Syrie sous le Consulat, est nommé ambassadeur auprès de la Sublime Porte en mai 1806. Il développe l’influence française à Constantinople et attise l’opposition entre la Turquie et la Russie. Mais le renversement de politique opéré par Napoléon après Tilsit le met dans une position inconfortable. Il rentre en avril 1808 après la déposition du sultan Sélim III.

Andréossy, languedocien ancien élève du collège de Sorèze, vice-président de l’Institut d’Egypte, chef d’état-major de Bonaparte lors du 18 Brumaire, est nommé ambassadeur à Londres pendant la paix d’Amiens, mission ô combien délicate ! Puis ambassadeur auprès de l’Empereur d’Autriche après le traité de Presbourg et gouverneur de Vienne après Wagram. On le retrouve ensuite grand chancelier de l’Ordre des Trois Toisons d’Or (qui ne verra jamais le jour) avant d’être nommé ambassadeur à Constantinople en avril 1812 car Napoléon, ayant maintenant la Russie dans son collimateur, désire se rabibocher avec La Sublime Porte et Andréossy réussira à éviter qu’elle ne rallie la coalition de 1813. Il restera en poste jusqu’en août 1814.

 

Pierre Riel de Beurnonville, maréchal de camp dès 1792 et ministre de la Guerre en 1793, sera ministre plénipotentiaire à Berlin au début du Consulat, puis à Madrid de fin 1802 à 1806 pour y coordonner la coopération des flottes espagnole et française, avant de devenir sénateur. Ayant voté la déchéance de l’Empereur, il est surtout connu comme membre du gouvernement provisoire en avril 1814, ce qui lui vaudra sous la Restauration la paierie héréditaire et la dignité de maréchal de France.

 

Aux Etats-Unis, on trouve de 1804 à 1810 le général Turreau, celui des colonnes infernales de Vendée, qui, opposant à la proclamation de l’Empire, avait été envoyé se faire oublier à Washington (1804-1810). Enfin quelques mots des deux Dupont : le général Dupont-Chaumont espéra se reconvertir  à 46 ans dans la diplomatie, ambassadeur à La Haye de 1805 à 1808 avant d’être victime de la vindicte napoléonienne et entraîné dans la disgrâce de son jeune frère Dupont de L’Etang, le vaincu  de Baylen.

 

Quelques  proches de Napoléon

Si Joseph Bonaparte fut ministre plénipotentiaire lors de la négociation du traité d’Amiens, il s’agit là d’une mission particulière sortant du cadre de cet exposé. Par contre, Lucien Bonaparte fut nommé ambassadeur à Madrid en novembre 1800. C’était une manière élégante d’éloigner un frère devenu encombrant après le rôle décisif qu’il avait joué lors du 19 Brumaire. Lucien négocia le retour de la Louisiane à la France avant que Bonaparte ne décide de la vendre aux Etats-Unis. Rappelé à Paris en octobre 1801 après le traité de Badajoz entre le Portugal et l’Espagne, il se retira en Italie, puis passa (de force) en Angleterre et ne rejoindra son frère que pendant les Cent Jours.

 

Joseph Fesch, le demi-frère de Laetitia Bonaparte, prêtre en 1785 puis garde-magasin à l’Armée des Alpes, choisit définitivement la voie ecclésiastique après la signature du Concordat. Si bien que son neveu le nomma ambassadeur près du Saint-Siège en germinal an XI, ayant pour assistant un certain François-René de Chateaubriand. Sacré cardinal-légat le 15 août 1802, il négocia la venue du pape Pie VII à Paris pour le couronnement. Puis il reprit ses fonctions d’archevêque de Lyon et de Grand Aumôner de l’Empire, consacrant l’essentiel de ses loisirs à ses fabuleuses collections.

 

François de Beauharnais, beau-frère de l’Impératrice Joséphine, royaliste bon teint, fut cependant nommé ministre plénipotentiaire en Etrurie en pluviôse an XIII, puis ambassadeur à Madrid en avril 1806. Il se trouva ainsi au cœur du conflit entre Godoy et le prince des Asturies. Il prit le parti de ce dernier en dépit des ordres reçus. Furieux, Napoléon lui ordonna de s’exiler en Pologne. Mais le copiste écrivit par erreur Sologne et notre marquis se retira dans le château qu’il y possédait. Tout le monde, y compris l’Empereur, en rit et on n’entendit plus parler de lui.

Autre proche que nous avons choisi de placer ici : Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne, secrétaire intime du général Bonaparte et du Premier Consul, mais prévaricateur dont Napoléon pensa se débarrasser en l’expédiant à Hambourg (germinal An XIII), ministre plénipotentiaire près du cercle de Basse-Saxe. Il s’y livra à de tels trafics sur les marchandises interdites par le Blocus continental qu’il fut démis en octobre 1810. Il reprendra sa carrière aventureuse sous la Restauration.

 

Les aristocrates

Fidèles à la tradition familiale, quelques aristocrates poursuivirent sus le Consulat et l’Empire une carrière diplomatique amorcée sous l’Ancien Régime, passant souvent par le stade préliminaire de chambellan de l’Empereur.

Augustin de Talleyrand-Périgord, cousin du prince de Bénévent, d’abord chambellan de l’Empereur, fut nommé en 1808 ministre plénipotentiaire près le grand duc de Bade, puis à Berne.

 

Alexandre François de La Rochefoucauld, d’abord favorable à la Révolution puis émigré, rentra en France sous le Consulat et entama, grâce à son nom, une carrière diplomatique : successivement chargé d’affaires à Dresde, ministre plénipotentiaire près la cour de Saxe, ambassadeur à Vienne de janvier 1805 à novembre 1806, et à La Haye de 1808 à la suppression du royaume de Hollande.

Mercy-Argenteau, de bonne noblesse liégeoise, fut chambellan de l’Empereur avant d’être nommé ministre plénipotentiaire en Bavière en janvier 1812.

 

Le marquis d’Aguesseau, de très vieille noblesse, admis à l’Académie française en 1787, tôt rallié au Premier Consul, président de la Cour d’Appel

de Paris, fut nommé ministre plénipotentiaire près le Roi de Danemark et de Norvège de janvier 1802 à mai 1805, avant de poursuivre une vie de sénateur et de mourir en 1826 à la Chambre des Pairs.

 

Le comte Hector d’Aubusson de La Feuillade, émigré, fut chambellan de l’Impératrice Joséphine avant d’être nommé en 1806 ministre plénipotentiaire près de la reine d’Etrurie, puis près de Joseph Bonaparte et ensuite de Murat à Naples. Il quitte ce poste en 1810, son sens de l’économie étant peu compatible avec les goûts du roi Murat.

 

Jean-François de Bourgoing, né en 1748, entra dans la carrière comme secrétaire d’ambassade en 1777, puis fut ministre plénipotentiaire à Hambourg et à Madrid jusqu’en 1793. Retiré des affaires, il reprend du service après le 19 Brumaire, ministre plénipotentiaire à Copenhague puis à Stockholm, rappelé pour avoir annoncé prématurément le passage à l’Empire. En poste en Saxe électorale et royale à partir de 1806, il assiste à l’entrevue  d’Erfurt et meurt en fonction le 20 juillet 1811 aux eaux de Carlsbad.

 

Le comte de Narbonne-Lara, de haute noblesse espagnole mais que l’on disait fils naturel de Louis XV, général fidèle à Louis XVI, se rallia au Premier Consul mais ne reprit du service qu’en 1809 et fut nommé ministre plénipotentiaire à Munich, puis aide de camp de l’Empereur durant la campagne de Russie et ambassadeur à Vienne en février 1813 où, avec Caulaincourt, il tenta d’empêcher le ralliement de l’Autriche à la coalition. Il décéda le 17 novembre 1813, sans connaître la fin de l’aventure.

 

Bien qu’il soit plus connu comme ministre, n’oublions pas Nompère de Champagny, de petite noblesse du Forez, député aux Etats Généraux, détenu sauvé par la chute de Robespierre, ambassadeur à Vienne de 1801 à 1804, avant de mener la carrière ministérielle que l’on sait et de devenir duc de Cadore.

 

Quel étonnant personnage que Charles Louis Huguet, marquis de Sémonville, de petite noblesse du Gâtinais, tôt rallié à la Révolution, ambassadeur à Gênes de 1791 à 1792, puis nommé à Constantinople. Mais il ne peut rejoindre son poste, arrêté dans les Grisons et incarcéré trois ans en Autriche en compagnie d’Hugues Maret, qui devient son grand ami. Puis il sera ministre plénipotentiaire et ambassadeur avec succès à La Haye de 1801 à 1805. Sénateur, grand référendaire de la chambre des Pairs, il poursuivra sous la Restauration et la Monarchie de Juillet une carrière d’homme de l’ombre influent, une sorte de Talleyrand au petit pied.

 

Le Grand Ecuyer Armand de Caulaincourt, introduit dans la diplomatie dès 1796, sera notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg de décembre 1807 à mai 1811, désolé de ne pouvoir étendre à son souverain ses excellentes relations avec Alexandre 1er. Lauriston lui succède, sans plus de succès. On sait que le duc de Vicence avait un frère, Auguste de Caulaincourt, tué à La Moskowa, mais il avait aussi une sœur prénommée Amicie, qui épousa le comte Rousseau de Saint-Aignan. Chef d’escadron d’artillerie, Saint-Aignan est nommé en décembre 1811 ministre plénipotentiaire près des maisons ducales de Saxe à Weimar. Sa parenté avec le duc de Vicence ne fit certainement pas étrangère au fait que Metternich choisit de le rendre porteur à Paris des propositions de paix dites de Francfort. Il en résulta le renvoi de Maret du ministère des Relations extérieures et la nomination de Caulaincourt à ce poste. Comme ministre, il mènera alors le congrès de Châtillon et la négociation du premier Traité de Paris.

Mais revenons à Sémonville : ayant épousé la veuve du marquis de Montholon,  il adopte les enfants de celle-ci  dont Charles Tristan de Montholon qu’avec l’aide de son ami Maret il introduit dans la carrière diplomatique en 1811 comme ministre plénipotentiaire près du grand duc de Wurtzbourg, oncle préféré de l’impératrice Marie-Louise. Montholon réussira à se faire limoger l’année suivante pour avoir épousé, malgré l’interdiction de l’Empereur, la charmante Albine de Vassal, deux fois divorcée. Mais, trois ans plus tard, seul ancien ambassadeur de l’Empire présent à Sainte-Hélène, il poussera l’art de la diplomatie jusqu’à mettre son épouse à la disposition de l’Empereur.

 

Les diplomates de métier

Originaire du Wurtembourg mais devenu girondin, Charles Frédéric Reinhard entame une carrière diplomatique dès 1791, occupe plusieurs postes de ministre plénipotentiaire avant se retrouver ministre des Relations extérieures du Directoire au moment du 19 brumaire et d’être bientôt remplacé par Talleyrand. Il reprendra du service à Berne en 1801, à Hambourg de 1802 à 1805 et à Cassel, prés du roi Jérôme, de 1808 à 1813.

 

Elève des Oratoriens, député aux Etats généraux, conventionnel régicide, consul à Tanger, puis à Munich, Charles Jean Marie Alquier, dit le baron Alquier, collectionne de 1799 à 1813 les postes dans les ambassades à problème, posant successivement ses valises à Madrid, Florence, Naples, Rome, Stockholm et Copenhague.

 

Entré très jeune dans la diplomatie, le comte de La Forest débute sa carrière en 1778 comme secrétaire de légation près de l’ambassadeur du roi Louis XVI aux Etats-Unis où, devenu Consul général, il reste en poste jusqu’en 1793. Il ne reprend du service qu’en 1797 près de Talleyrand. En poste à Munich puis à Berlin où il veille jusqu’en 1806 à ce que la Prusse maintienne sa neutralité. D’avril 1808 à mai 1813, il occupe le poste d’ambassadeur à Madrid, ce qui n’était pas une sinécure, puis négocie le traité de paix avec Ferdinand VII. Il poursuivra sa carrière diplomatique sous la Restauration, sera nommé Pair de France et même membre du conseil privé du Roi.

 

Edouard Bignon, futur baron Bignon, né en 1771, est remarqué et recruté au ministère des Relations extérieures par Talleyrand en 1797. Secrétaire d’ambassade puis chargé d’affaires à Milan, avant de passer à Berlin où il conçoit le projet de ce qui deviendra la Confédération du Rhin. On le retrouve près du grand-duc de Bade, puis à Varsovie de 1810 à 1812  et enfin en Lituanie durant la campagne de Russie. Affecté à Dresde, la défaite de Leipzig met fin à provisoirement à sa carrière sous l’Empire. Il reprendra une acticité politico-diplomatique au début de la Monarchie de Juillet et sera élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques.

 

Louis Guillaume Otto est plus connu sous le nom de Monsieur Otto que sous celui de comte de Mosloy. D’une famille strasbourgeoise établie à Darmstadt, il débute en 1777 comme secrétaire de la légation française en Bavière. Chef de division au ministère des relations extérieures, il échappe de peu à la Terreur. Ministre plénipotentiaire en Bavière dès 1801, il avertit Napoléon, alors à Boulogne, de l’entrée en campagne des troupes autrichiennes. A Vienne en 1809, il participe aux préparatifs du mariage autrichien et, jusqu’en 1813, veille à maintenir l’Autriche dans le camp français (ou tout au moins veille à ce que elle ne s’allie à la Russie).

 

Après un emploi de secrétaire à la légation de Washington, Louis André Pichon est chef de division au ministère, puis chargé d’affaires à La Haye avant de repartir aux Etats-Unis comme commissaire aux relations commerciales et chargé d’affaires jusqu’en 1804. Ayant un peu trop vivement manifesté sa désapprobation de l’instauration de l’Empire, il est rappelé et rejoint Jérôme, roi de Westphalie, comme conseiller d’Etat et intendant général des finances. Secrétaire général du ministère de la Justice sous la Restauration, on le retrouvera en 1830 intendant civil à Alger.

Maximilien Gérard de Rayneval, alsacien et fils de consul, suit la filière familiale, attaché d’ambassade à Stockholm, Copenhague et Saint-Pétersbourg. Secrétaire d’ambassade à Lisbonne près de Junot en 1805, il reste seul après le départ de celui-ci  et est chargé de transmettre l’ultimatum napoléonien au royaume du Portugal. On le retrouve près de Caulaincourt durant son ambassade en Russie et surtout lors du congrès de Châtillon, faisant la navette entre le ministre et l’Empereur au fil des avatars de la négociation. Ambassadeur en 1823, il poursuivra une brillante carrière, mourant en fonction à Madrid en 1836.

 

Hippolyte Gueulluy de Rumigny, né en 1784, entre dans les bureaux du ministère des relations extérieures en 1802. Il occupe divers postes à Saint-Pétersbourg, Stuttgart, Varsovie et finalement chargé d’affaires à Nassau en juin 1813. Lui aussi assiste Caulaincourt dans les difficiles négociations du congrès de Châtillon. Sa brillante carrière d’ambassadeur se poursuivit jusqu’à la Révolution de 1848.

Barthélémy de Lesseps, fils d’un consul de France à Hambourg, s’embarque à l’âge de 19 ans avec La Pérouse. Du Kamtchatka, il regagne la France à travers la Sibérie pour y ramener les premiers documents de l’expédition. Secrétaire d’ambassade à Constantinople, il est emprisonné lors de l’expédition d’Egypte. Libéré en 1801, il est ensuite chargé des affaires commerciales à l’ambassade de Saint-Pétersbourg, poste qu’il doit quitter précipitamment en 1812. Son frère, Prosper de Lesseps, fut consul général au Maroc, à Cadix et en Egypte après l’évacuation des troupes françaises, puis à Livourne et enfin commissaire général des Iles Ioniennes jusqu’à la chute de l’Empire. L’un de ses fils se prénommait Ferdinand.

Citons encore Jacques Durant de Mareuil entré dans les bureaux du ministère sous la Révolution et qui franchit tous les échelons de la carrière. Le voici ministre plénipotentiaire à Dresde en 1805 et à Stuttgart en 1806, avant de se retrouver à Naples de 1810 à la défection du roi Murat en janvier 1814.

 

Ou Alexandre Romieu, engagé volontaire de 1793, qui fait une rapide carrière militaire jusqu’au grade de général de brigade à titre provisoire avant d’obliquer en 1802 vers la diplomatie. Il passe donc trois ans à Corfou comme chargé d’affaires et commissaire commercial avant de se rendre en Perse comme envoyé extraordinaire. Au cÅ“ur des affrontements entre Perse, Turquie er Russie, il périt empoisonné le 12 octobre 1805. Démonstration  que le statut diplomatique comporte parfois des risques.

 

N’oublions pas les frères d’Hédouville, l’un et l’autre émigrés et réintégrés dans l’armée sous le Consulat. L’aîné, Marie Gabriel, fut ministre plénipotentiaire en Russie de 1801 à 1804 (il eut à ‘‘expliquer’’ l’affaire du duc d’Enghien) tandis que le cadet, Théodore Charles, fut plénipotentiaire à Ratisbonne puis représentant de l’Empire près le prince primat de la Confédération du Rhin de 1806 à 1813.

Même s’il ne fut jamais ambassadeur ou plénipotentiaire, nous ne pouvons oublier Pierre Ruffin. Fils de l’interprète du Consulat de France à Salonique, spécialistes des langues orientales, professeur au collège de France, il alterne les postes diplomatiques à Paris, chargé des affaires avec la Turquie et la Perse, et les missions à Constantinople. Arrêté lors de l’entrée des troupes françaises en Egypte, il n’est libéré qu’en 1801. Il seconde alors très efficacement les ambassadeurs successifs, Sébastiani, Brune, puis Andréossy, négociant le traité franco-turc de 1812. Il demeure chargé d’affaires ou conseiller d’ambassade à Constantinople jusqu’à sa mort en 1824, comptant alors soixante-six années de services diplomatiques.

 

Terminons enfin par l’ineffable Dufour de Pradt, dit Mgr de Pradt, qui nous apporte la preuve qu’il arrivait parfois à Napoléon d’appliquer le principe de Peter. Député du clergé aux Etats Généraux, émigré, il rentre en France au début du Consulat et, parent de Duroc, est nommé premier aumônier du Premier Consul. Il accompagne celui-ci à Milan, à Bayonne, et est nommé en 1808 archevêque de Malines. On ne sait trop pourquoi l’Empereur en 1812 le fait venir à Dresde et le nomme ambassadeur à Varsovie, à un moment crucial où il s’agit d’impliquer les troupes du Grand Duché dans leur soutien à la Grande Armée. A son retour de Russie, Napoléon le rencontre à Varsovie où il lui reproche vivement son inertie, le rappelle à Paris, le démet de la grande aumônerie et le renvoie à Malines. Son incursion dans la diplomatie l’incita à intriguer avec Talleyrand en avril 1814 et le conduisit, dès le 7 avril,  à la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur.

 

 

© Jacques Macé

 

Annexe

 

Autriche

Nompère de Champagny y fut ambassadeur d’octobre 1801 à octobre 1804, le général Andréossy ministre plénipotentiaire de novembre 1806 à mars 1809, le comte Otto ambassadeur de janvier 1810 à mars 1813, puis le comte de Narbonne-Lara jusqu’en août 1813.

 

Bade

On y rencontre le général Clarke, futur ministre de la Guerre, en 1805, Augustin de Talleyrand, ministre plénipotentiaire,  de 1804 à 1808, Bignon de 1809 à 1811, Moustier et Nicolay de 1811 à 1813.

 

Bavière

S’y succèdent La Forest en 1802-1803, Otto de 1803 à janvier 1810, puis Narbonne-Lara jusqu’en novembre 1811 et Mercy-d’Argenteau en 1812 et 1813.

 

Danemark

Pas moins de 14 représentants de la France s’y succédèrent. Relevons les noms de Bourgoing en 1800-1801, de Macdonald en 1801-1802, de Aguesseau de 1802 à 1805, de Victor en 1805-1806, de Alquier de 1811 à 1814.

 

Espagne

La encore 16 noms. Retenons Alquier en 1800, Lucien Bonaparte en 1800-1801, Beauharnais en 1807-1808, puis La Forest de mai 1808 à mai 1813 (auprès de Joseph Bonaparte).

 

Etats-Unis

Le chargé d’affaires Pichon y fut en poste de mars 1801 à novembre 1804, le général Turreau plénipotentiaire de 1804 à 1811 et  Sérurier, cousin du maréchal, de 1811 à 1816.

 

Hambourg

A Reinhard, plénipotentiaire de 1802 à 1805, succéda Bourrienne jusqu’à son limogeage en décembre 1810.

 

Hollande

Huguet de Sémonville y fut ministre plénipotentiaire de Janvier 1800 à février 1805, avant que le général Dupont-Chaumont (1805-1808) puis le comte de La Rochefoucauld ne représentent l’Empereur près de son frère Louis jusqu’en 1810.

 

Maroc

Michel Ange d’Ornano, d’Ajaccio, y traversa tranquillement l’Empire, chargé d’affaires de 1805 à 1814, surtout chargé de tenter d’y faire appliquer le Blocus continental.

 

Naples

A Alquier, ambassadeur de 1801 à 1806, succède le ci-devant marquis Aubusson de La Feuillade de mars 1808 à août 1809, puis deux personnages insignifiants, Hue de Grobois et Durant de Mareuil, Napoléon préférant traiter directement avec son imprévisible beau-frère.

 

Portugal

Lannes y fut envoyé de mars 1802 à juillet 1804, suivi de Junot d’avril à octobre 1805, avant qu’il ne revienne comme occupant.

 

Prusse

Berlin vit un véritable défilé d’envoyés spéciaux et de ministres plénipotentiaires (au moins 13). Citons Otto, Duroc, Bignon, Daru, de Saint-Marsan.

 

Rome

Y furent ambassadeurs Fesch de juillet 1803 à mai 1806, puis Alquier de mai 1806 à février 1808.

 

Russie

Retenons l’ambassade d’Hédouville d’avril 1802 à juin 1804, surtout celle de Caulaincourt de décembre 1807 à mai 1811, et enfin de Lauriston, de mai 1811 à juin 1812.

 

Saxe

A des chargés d’affaires dans les états de Saxe, succéda comme ministre plénipotentiaire Rousseau de Saint-Aignan, jusqu’en octobre 1813 .

 

Suède

Bourgoing y fut ministre plénipotentiaire de 1801 à 1803. A un certain Caillard, chargé d’affaires, succéda Alquier d’octobre 1810 à novembre 1811, puis le poste resta vacant.

 

Toscane

Clarke y fut ministre plénipotentiaire de 1801 à 1804, suivi de Beauharnais en 1805-1806 et d’Aubusson de La Feuillade de septembre 1806 à octobre 1807.

 

Turquie

Brune, Sébastiani, Andréossy se succédèrent à cette important ambassade où la continuité fut assurée par Jean-Marie Ruffin, chargé d’affaires maîtrisant parfaitement la politique et la culture ottomanes.

 

Wurtzbourg

Je mentionnerai pour mémoire la nomination comme ministre plénipotentiaire près du Grand-Duc, de janvier à octobre 1812, de Charles-Tristan de Montholon-Sémonville, plus célèbre pour avoir réussi à soutirer deux millions de francs à Napoléon à Sainte-Hélène

 

 

 

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