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                                                                                              Les Dames de Villiers

 

Vous revenez chaque année avec plaisir pour cette Fête des Plantes où Cécile Vic vous accueille dans le parc de ce joli petit château de Villiers, où elle succède ainsi à une longue suite de Dames de Villiers, car l’histoire de ce château a été marquée par plusieurs propriétaires du sexe dit faible, mais qui ne l’ont pas été tant que cela. C’est la raison pour laquelle nous allons revivre cette histoire en leur compagnie.

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L’histoire du château actuel commence dix ans avant la Révolution française quand le comte de Bombelles, maréchal de camp de l’armée royale fait, après un incendie, reconstruire cette maison de campagne dans le style néo-classique, mis à la mode par la reine Marie-Antoinette. Mais notre comte a peu le temps d’en profiter puisqu’il décède dès 1783, ruiné d’ailleurs et le château est acheté par un nommé Nicolas Levavasseur, directeur des fourrages aux Armées, poste important et fort lucratif car, alors, la direction des fourrages était aussi indispensable qu’aujourd’hui la direction des Essences aux Armées. C’est lui qui fait construire les deux ailes latérales, transformant la maison de campagne en petit château. Nicolas Levavasseur n’a qu’une fille, Charlotte, qu’il marie au baron de Béthune-Hesdigneul, branche cadette des Béthune-Sully. Ce mariage permet de redorer le blason de la famille (car, comme disait la fille de Mme de Sévigné, il faut parfois mettre du fumier sur les meilleures terres) et voilà notre Charlotte baronne mais bientôt veuve et propriétaire du château car son père et son époux décèdent successivement à six mois d’intervalle, à la veille de la convocation des Etats Généraux.  Elle va donc être la première de nos Dames de Villiers.

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Charlotte Levavasseur

Le début de la Révolution s’accompagne de la mise en place de la première municipalité de Draveil dominée par les vignerons qui sont les notables du pays, et qui élisent maire l’un d’entre eux, puis un cabaretier. Il ne faut surtout pas se faire remarquer et ils font donc preuve d’un ardent républicanisme, plantant un Arbre de la Liberté et organisant des manifestations patriotiques. Notre ci-devant baronne Charlotte, qui est maintenant appelée la veuve Béthune, trouve que son prénom fait trop royaliste et le change en celui, romain, de Cornélie (comme Cornelius Scipion l’Africain et le dictateur Scylla). Mais, alors que la Terreur s’installe et fait tomber les têtes, la commune de Draveil, bien isolée entre Seine et forêt, devient un asile pour des aristocrates qui viennent s’y réfugier sous de fausses identités.

Parmi ceux-ci, le comte Armand François d’Allonville, émigré revenu clandestinement en France sous le nom de Camille Payen pour tenter de faire évader la reine Marie-Antoinette avant qu’elle ne soit guillotinée. Il milite à Paris dans la Section des Droits de l’homme, séduit notre Charlotte-Cornélie et, en novembre 1793, ils se marient à la mairie de Draveil sous leurs fausses identités, tandis que le maire écrit au Comité de Surveillance départemental que la commune est calme et qu’il ne connait pas de suspects. En 1794 cependant, la Terreur redouble et le couple Payen juge plus prudent de se réfugier en Suisse. Puis le Directoire confie au général Bonaparte la conquête de l’Italie et Camille Payen devient commissaire des guerres (intendant) à l’Armée d’Italie. Il y entraine son épouse et on les retrouve en 1797 à Rome. Mais, tandis que Bonaparte part conquérir l’Egypte, la situation militaire se retourne en Italie. Les Bourbons de Naples, soutenus par les Autrichiens et les Russes, se rétablissent sur leur trône et assiègent Rome où la population se révolte contre les occupants français. Des massacres se produisent au cours desquels notre Charlotte perd la vie en septembre 1798. Ainsi disparait notre première Dame de Villiers.

Son mari reprend son nom de comte d’Allonville mais, au lieu de se rallier au Consulat et à l’Empire, part en Russie, où il deviendra précepteur des enfants du gouverneur de Moscou, le comte Rostopchine. Parmi ceux-ci, une fillette prénommée Sophie . . . qui deviendra la comtesse de Ségur.

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Antoinette Gamot

C’est en avril 1804, un mois avant la proclamation du Premier Empire, que le château de Villiers est acheté par Charles Guillaume Gamot, haut fonctionnaire de l’Empire, et son épouse Antoinette. Ce couple va faire entrer le château dans l’histoire impériale. En effet, négociant import-export à Saint-Domingue, le fleuron des Antilles françaises, Charles Gamot en a été chassé par la révolte des esclaves conduite par Toussaint Louverture. Revenu en France, il devient directeur des Droits réunis (nos contributions indirectes) et épouse Antoinette Auguié, nièce de Madame Campan. En cette période de bouleversements, la famille Auguié est à la fois proche de la famille royale et de la famille impériale.

En effet, le grand-père d’Antoinette a été Premier Commis du Ministère des Affaires étrangères et a eu quatre filles. L’ainée, Jeanne, est connue sous le nom de Madame Campan car, après avoir été lectrice de la dauphine Marie-Antoinette, elle est devenue femme de chambre, confidente et trésorière de la Reine. Les férus d’histoire connaissent son rôle dans l‘affaire du Collier. Après la Révolution, elle créera une maison d’éducation pour les jeunes filles de la bonne société et c’est ainsi que Napoléon lui confiera la direction de la Maison d’Education de la Légion d’honneur. Mais n’anticipons pas.

Jeanne Campan a une sœur nommée Adélaïde qu’elle fait également entrer au service de la Reine. Celle-ci épouse un M. Auguié, receveur des finances, et a trois filles prénommées Antoinette (elle a la reine pour marraine), Eglé et Adèle. La Révolution est douloureusement ressentie par cette famille. Menacée d’arrestation pour complicité avec la reine emprisonnée au Temple, Adelaïde se suicide en laissant trois orphelines qui sont élevées par leur tante Campan, dans son établissement où elles se lient d’amitié avec Hortense de Beauharnais, dont la mère Joséphine va bientôt devenir épouse du général Bonaparte puis impératrice.

L’aînée Antoinette épouse donc Charles Gamot et devient châtelaine de Villiers. La seconde Eglé épouse le général Michel Ney et deviendra duchesse d’Elchingen et princesse de la Moskowa. La troisième épouse aussi un général, est rapidement veuve et devient la dame de compagnie, la confidente d’Hortense de Beauharnais, elle-même devenue reine de Hollande. Adèle périra tragiquement à Aix-les-Bains en 1813. Cette famille nous fait donc entrer de plein pied dans l’histoire impériale et nous pouvons facilement nous représenter la reine Hortense, la princesse de la Moskowa et leurs suites rendant visite à Antoinette ici-même, le ballet des voitures de ces dames éblouissant les braves cultivateurs draveillois par le style de leurs robes Empire, les uniformes éclatant de broderies de leurs compagnons.

Parmi les amies d’Antoinette figure une jeune femme deux fois divorcée nommée Albine de Vassal, qui souhaite épouser un jeune colonel de la Grande Armée, Charles de Montholon, nommé ambassadeur de Napoléon à Würzburg en Allemagne. Napoléon s’oppose à ce mariage en raison du passé d’Albine. Mais Antoinette l’accueille à Draveil où elle se fait domicilier et Charles de Montholon verse une forte somme au maire de Draveil (pour les œuvres de la commune bien sûr) pour qu’il ferme les yeux sur les irrégularités par rapport au Code civil et célèbre leur mariage. Ce maire, un brave paysan nommé Louis Beaupied, sera destitué et condamné à un mois de prison. Quant au couple Montholon, on le retrouvera à Sainte-Hélène où Albine sera la maitresse de l’Empereur en exil.

Mais tout ceci va se terminer en drame. Le maréchal Ney rentre vivant de la Campagne de Russie, où la Grande Armée napoléonienne est réduite de 400 000 à 30 000 hommes. Quinze mois plus tard, la France est envahie, Napoléon abdique et fait ses adieux à Fontainebleau avant de partir pour l’île d’Elbe. C’est la Restauration et nos héroïnes renouent avec la famille royale, Antoinette ayant été la compagne de jeux de Madame Royale, devenue duchesse d’Angoulême.

Patatras ! En mars 1815, voilà Napoléon qui débarque de l’île d’Elbe, remonte à Grenoble, à Lyon, menace de revenir à Paris. Convoqué aux Tuileries, le maréchal Ney promet à Louis XVIII d’arrêter l’Usurpateur et de le lui ramener dans une cage de fer. Mais, à Lons-le-Saunier, submergé par l’enthousiasme de ses troupes, subjugué par les déclarations de l’Empereur, Ney se rallie spectaculairement à Napoléon. Il va vite se rendre compte avoir fait une grosse bêtise mais il est trop tard. Il est considéré comme le principal responsable de ces Cent Jours qui se terminent en déroute à Waterloo. Arrêté, jugé par la Chambre des Pairs, Ney est condamné à mort le 7 décembre 1815, à 2 heures du matin. La sentence est exécutoire à l’aube.

C’est alors qu’Antoinette Gamot entre de nouveau en scène : elle assiste à la dernière entrevue entre le maréchal et son épouse puis accompagne sa sœur aux Tuileries pour y implorer la clémence du Roi. On les fait attendre jusqu’au moment où on vient dire à l’oreille d’Antoinette : « Il n’est plus temps, emmenez-la ». Ney a été fusillé à 9 H 15 au carrefour de Port-Royal, là où se dresse aujourd’hui sa statue. Vous passez devant quand vous vous rendez à Paris en passant par la Porte d’Orléans !

Veuve en 1820, Antoinette se marie et décède en 1833, des suites du choléra. Elle est inhumée dans l’église de Saint-Leu-la-Forêt, près de ses deux sœurs. Le château de Villiers a été vendu en 1815 à un cousin des Gamot qui le cède en 1837 à une famille de planteurs de la Martinique, qui va le conserver jusqu’en 1954.

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Madame Amans Pécoul, née Law de Lauriston

Transportons-nous à La Martinique où s’est installé à la fin du XVIIIe siècle un jeune homme appartenant à une bonne famille d’Aix en Provence nommé Joseph Pécoul. La famille de son épouse y possède deux plantations de canne à sucre, l’une près de Saint-Pierre et l‘autre à Basse-Pointe sur la côte nord. Son fils Amans revient faire ses études de médecine en France tandis que son frère cadet Auguste, resté sur l’île, devient l’un des hommes politiques de La Martinique dans ces années 1830 où l’abolition de l’esclavage est âprement discutée. En 1837, Amans Pécoul épouse Auguste Law de Lauriston  qui est à la fois l’arrière-petite-nièce du célèbre banquier Law (dont le nom reste attaché à la première banqueroute de l’histoire, mais depuis Lehmann Brothers a fait beaucoup mieux !) et aussi une nièce du maréchal de Lauriston, général et diplomate sous l’Empire (et qui à la Chambre des Pairs avait voté la mort du maréchal Ney). Ils achètent donc en 1837 le château de Villiers qui va devenir leur maison de famille. Grande bourgeoise parisienne sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, Mme Pécoul va vivre jusqu’en 1897 en personnalité de la ville de Draveil, marquante par son fort caractère. Alors que Villiers est fort délabré et que l’architecte veut le raser pour le reconstruire en briques, sur le modèle des Bergeries, Mme Pécoul dépense une fortune pour le restaurer et le décorer, y réunissant une collection de tableaux de maîtres. Elle commande et son époux n’a plus qu’à mobiliser les revenus de la Martinique pour payer les travaux. Très proche du curé de Draveil, elle fait venir le nonce apostolique à l’église Saint-Rémi pour le baptême de la nouvelle cloche dont elle est la marraine. Sous le Second Empire, face à la poussée républicaine, elle tente de faire nommer son fils  maire de Draveil. En ces années 1860, la vie municipale de Draveil est fort agitée : au conseil municipal, on se jette les dossiers à la figure et on se bat dans l’escalier (au point d’en casser la rampe) et, en sous-main, Mme Pécoul n’est pas étrangère à cette agitation. Arrive la guerre de 1870-1871 et l’occupation de la vallée de la Seine par des Prussiens et Bavarois. Veuve depuis peu, Mme Pécoul-Lauriston, grâce à la glacière de Villers, alimentera la population de Draveil en viande de bœuf qu’elle avait stockée et cachée  et créera au château une ambulance (hôpital de campagne) qui recevait aussi bien les blessés allemands que français, les premiers étant d’ailleurs les plus nombreux. Néanmoins, durant les années 1880 et 1890, Mme Pécoul laissera les choses aller à vau-l’eau, n’entretenant plus les collections de tableaux et d’objets d’art, rasant l’aile gauche du château, au grand désespoir de son fils unique Auguste qui, théologien et paléologue, vivait surtout à Rome et à Paris.

Mais à la fin du siècle, Villiers va de nouveau connaître une époque brillante grâce à la petite-fille de Mme Pécoul, Augusta Pécoul, vicomtesse Hutteau d’Origny.

 

Augusta Pécoul, vicomtesse d’Origny

Au décès de sa mère, Auguste Pécoul revient habiter à Villiers avec son épouse romaine et leurs trois enfants : Augusta née en 1871, Thérèse née en 1875 et Alexandre né en 1876. Il a hérité des deux habitations de La Martinique et son fils Alexandre en assure particulièrement la gestion à distance. La famille, et en particulier Augusta est bien introduite dans la haute société parisienne de cette Belle Epoque où Augusta occupe une place très remarquée.

Grâce à sa petite-fille Françoise, nous connaissons son journal intime. Dès l’âge de 15 ans, Augusta est une jeune fille extrêmement jolie, pleine de joie de vivre et qui se décrit elle-même ainsi : « J’ai une figure ronde, fraîche, un  beau teint, des yeux bruns avec de longs cils noirs et cernés tout autour ce qui les rend très doux ; la bouche moyenne avec des lèvres fortes et courtes qui laissent voir deux rangées de dents pas petites mais admirablement blanches et brillantes ». Plus tard elle parlera « de ses seins petits et haut placés, de son ventre de marbre, de ses longues jambes, d’un corps magnifique, fait pour l’amour, pour des caresses folles dont je rêve ». Et il faut reconnaître que les portraits d’elle que nous possédons ne contredisent pas ses propos. Inutile de dire que dès ses premières apparitions dans la société parisienne, la jeune fille a de nombreux soupirants. Mais elle n’a d’yeux que pour le frère d’une amie, Henri Hutteau vicomte d’Origny, grand et beau jeune homme plus âgé de 2 ou 3 ans, qui mène une vie fort agitée, fréquente les cocottes et dépense sans compter l’argent qu’il n’a pas. Le journal d’Augusta nous fait assister à la montée d’une passion dévorante, avec ses drames et rebonds. Mais ceci ne fait pas l’affaire des deux familles en une époque où le mariage est avant tout un problème de dot. Des cyclones ont mis à mal les plantations de La Martinique ; un duc postule à la main d’Augusta, alors un vicomte . . . Mais elle ne veut pas d’autre époux qu’Henri et va tenir tête pendant dix ans. Pendant ce temps, Henri voyage en Ethiopie et Abyssinie en compagnie du prince Henri d’Orléans. En décembre 1897, Augusta et Henri deviennent amants et le soir du 31 décembre elle lui  écrit : « Je ne pense qu’à tes caresses et aux joies que tu m’as données . . . (Page 80). Il leur faudra cependant attendre plus deux ans pour que les parents acceptent ce mariage, célébré en 1900 dans l’intimité. Leur fils aîné Antoine  naît la même année. Un second, prénommé François, suivra en 1904.

Le vicomte et la vicomtesse d’Origny mènent une intense vie mondaine, qui va être troublée par toute une série de malheurs. En mai 1902, l’éruption de la Montagne Pelée détruit l’une des deux habitations Pécoul. En 1904, Alexandre Pécoul, le frère d’Augusta, qui s’est rendu en Indochine pour évaluer la possibilité de planter des hévéas à La Martinique, décède tragiquement dans les rapides du Mékong. Le petit Antoine meurt de la diphtérie en 1905 et Thérèse, la sœur d’Augusta, aussi belle qu’elle, décède de la tuberculose.

Il semble qu’Henri d’Origny mène toujours une vie intense, au désespoir de son beau-père qui doit financer ses frasques. Ce monde va être frappé, bouleversé par la déclaration de guerre de 1914. Henri a 45 ans et, de ce fait, est mobilisé dans un bureau du Train à Versailles. Mais il ne peut accepter de ne pas participer plus directement à l’effort de guerre et réclame à cor et à cri à être affecté dans une unité combattante, si bien qu’en novembre 1914 il est nommé sergent au 42e bataillon de Chasseurs à pied, qui mène la guerre de tranchées sur le front de l’Artois, entre Lens et Béthune. Presque tous les jours, il écrit à Augusta et son fils François, non seulement pour leur manifester son amour mais aussi pour leur décrire, sans rien cacher, l’horreur des combats auxquels il participe et pour exprimer son opinion sur le commandement et le déroulement du conflit. Ces lettres admirables ont été conservées et ont été publiées par Françoise d’Origny. Vous les trouverez également dans l’ouvrage Draveil dans la Grande Guerre que le CLHD va publier dans les prochains mois.

Le secteur stratégique de Carency-Souchez, près de Notre-Dame de Lorette, est le lieu d’intenses combats au printemps de 1915, où nous perdons 100 000 hommes, dont 37 000 tués et disparus. Le sous-lieutenant Henri d’Origny est tué d’une balle en plein front le 16 juin 1915 en lançant ses hommes à l’attaque. Son nom est inscrit sur le Monument aux morts de Draveil.

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Gilonne Hutteau d’Origny

En 1919, Villiers est occupé par Augusta, veuve désormais vêtue de noir et son fils François, seul héritier du nom, de la plantation Pécoul à La Martinique et du titre de vicomte. Il a 14 ans lorsque lui est remise la Légion d’honneur décernée à son père.  En 1930, il épouse Gilonne Jannel de Vauréal, dont il aura deux enfants Françoise, née ici même,  et Henri. La nouvelle vicomtesse a un caractère aussi dynamique et trempé que celui de sa belle-mère. Férue de chasse à courre, elle parcourt la France pour se livrer à sa passion. Et, quand sa voiture revenait à Draveil, les poules et les chiens n’avaient pas intérêt à rester au milieu de la rue. Le vicomte avait des plaisirs moins intenses mais tous deux se retrouvaient pour organiser à Villiers de brillantes réceptions réunissant leurs amis parisiens et dont rendait compte la presse people de l’époque. Durant la décennie des années 30, Villiers connait de nouveau une période fastueuse, son chant du cygne en quelque sorte, à laquelle une nouvelle guerre va venir mettre fin.

En 1939, François d’Origny est agent de liaison entre l’Armée de l’Air et la Royal Air Force. Dès octobre  1940, il participe à la création de l’OCM, Organisation Civile et Militaire, l’un des tout premiers mouvements de résistance à l’occupant réunissant essentiellement des officiers de réserve. Et la vicomtesse Gilonne, révulsée par la politique du maréchal Pétain et la direction où elle entraine la France, est non moins engagée dans la résistance et on peut même dire qu’elle va être l’âme du mouvement qu’ils vont ensemble animer à Villiers. C’est ainsi que Villiers devient un centre de regroupement des aviateurs anglais ou canadiens abattus au-dessus de la France avant leur transfert vers la frontière espagnole. La vicomtesse gère leur accueil et s’occupe des liaisons, tandis que le vicomte, nommé par Vichy à la délégation spéciale, tient les résistants informés des intentions de l’occupant.

Mais c’est au printemps et à l’été 1944 que l’activité de résistance à Villiers va être la plus intense. En effet, les d’Origny accueillent un de leurs amis, nommé Pierre Chavane, qui,  en liaison avec les services secrets américains de l’OSS, va créer un réseau indépendant des FFI, chargé de préparer la libération de la rive droite de la Seine. Ce réseau, réunissant une trentaine de jeunes gens de la région, va jouer un rôle important lors de la libération de Draveil. Leur gros problème est de se procurer des armes. C’est ainsi que le 16 août un camion parti de Villiers (pour chercher des armes) avec sept résistants dont deux gendarmes, suite à une provocation de la gestapo, tombe dans une embuscade à la Porte Maillot et ils sont fusillés au Bois de Boulogne. Les noms de trois d’entre eux, Lucien Malaviole, Emile Fruchart, Léon Sorbier ont été donnés à des rues de Draveil.

Malheureusement le 15 août, Chavane a commis une énorme erreur en accusant d’espionnage et en faisant exécuter le responsable des Eaux et Forêts à la Faisanderie de Sénart, d’origine lituanienne et qui avait seulement le défaut de parler allemand, et qui abritait des réfractaires au STO. François d’Origny, envoyé en mission de liaison près de l’Armée américaine vers Chartres, était alors absent du château et son épouse ne fut pas informée de l’initiative de Chavane. Quelques jours plus tard, Gilonne d’Origny franchit clandestinement la Seine en barque pour aller récupérer auprès de l’armée américaine des armes en prévision de la libération. En fait, on n’eut pas à s’en servir car, au lendemain de la chute de Paris, les Allemands évacuèrent sans combat la rive droite de la Seine dans notre région.

Pour son action, Gilonne d’Origny recevra la Légion d’Honneur, la Médaille de la Résistance et la Croix de guerre ; elle  sera nommée directrice de l’Ecole des cadres des Auxiliaires féminines de l’Armée de Terre près de Fontainebleau, alors que François d’Origny s’engagera et sera lieutenant dans la Division Marocaine de montagne jusqu’à la fin de la guerre.

C’est en 1954 que le château et ses terres seront vendus à la Caisse des Dépôts et Consignations dans le cadre du plan d’Aménagement de la région parisienne.  Le château connaîtra une longue période de semi-abandon et de dégradation, jusqu’à  son achat  par la ville de Draveil en 1987, sa restauration et sa transformation en centre culturel, puis l’installation de l’Hôtel de Ville au premier étage, dans les chambres qui ont vu passer Charlotte Levavasseur, Antoinete Gamot, Mme Amans Pécoul, Augusta Hutteau D’Origny, Gilonne d’Origny, et ont vu naître Françoise d’Origny.

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